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- Fabrice Baudouin
- 19/06/2025
Télétravail : un accident au domicile peut-il être reconnu comme accident du travail ?
Sommaire
Un jugement récent, confirmé en appel, clarifie un point essentiel pour les employeurs et les salariés en télétravail. Lorsqu’un accident survient sur le lieu d’exercice professionnel à domicile, pendant le temps de travail, il est présumé être un accident du travail. Une décision qui renforce la nécessité de mieux encadrer les pratiques liées au télétravail.
Un accident survenu pendant le télétravail reconnu
Une salariée, en télétravail à son domicile, chute dans les escaliers à 12h30 alors qu’elle descend déjeuner. Sa tante, témoin de la scène, confirme les faits. Trois jours plus tard, un certificat médical atteste d’une contusion à l’épaule droite, avec douleurs musculaires, sans lésion osseuse. Un arrêt de travail est prescrit.
La CPAM de l’Oise refuse de reconnaître l’accident comme un accident du travail. Elle estime que la chute s’est produite durant une pause déjeuner, en dehors du temps de travail. Le tribunal judiciaire de Beauvais, saisi, donne raison à la salariée. La CPAM fait appel.
Une confirmation par la cour d’appel
Dans un arrêt rendu le 2 septembre 2024 (n° 23/00964), la cour d’appel de Beauvais confirme le jugement. Elle rappelle que, selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, tout accident survenu sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle pendant le temps de travail est présumé être un accident du travail.
Le fait que l’accident ait eu lieu durant une plage horaire de pause prévue (entre 11h30 et 14h00) n’exclut pas cette présomption. La cour considère que la salariée était encore dans le cadre de son activité, sans interruption pour un motif personnel.
📌 article L. 1222-9 du Code du travail.
Le domicile, un véritable lieu de travail
Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle de plus en plus claire : le domicile devient un prolongement du lieu de travail lorsque le salarié est en télétravail. Cela implique des conséquences importantes pour l’organisation des entreprises, qui doivent revoir :
- leurs pratiques managériales,
- leur politique de prévention,
- et leur documentation contractuelle.
Quels impacts pour les employeurs ?
Les employeurs doivent prendre en compte cette présomption d’imputabilité. Pour s’en exonérer, ils doivent apporter la preuve contraire. Cela soulève plusieurs interrogations :
- Quels éléments permettent de contester cette présomption ?
- Jusqu’où peut-on encadrer les conditions de télétravail sans porter atteinte à la vie privée du salarié ?
Il devient essentiel d’intégrer ces problématiques dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Encadrer le télétravail pour limiter les litiges
Un cadre formalisé du télétravail réduit les zones d’ombre juridiques. Il est recommandé d’indiquer :
- les horaires de travail,
- les plages de repos ou de déconnexion,
- les lieux autorisés pour télétravailler,
- les conditions matérielles à respecter.
Cela permet de mieux anticiper les risques et de sécuriser les deux parties.
Évaluer les risques à domicile
Évaluer les risques professionnels en télétravail n’est pas simple. Des outils comme des auto-diagnostics, des guides d’évaluation des postes ou des visites préventives virtuelles peuvent être utiles. Ces outils permettent de :
- repérer les situations dangereuses,
- proposer des aménagements,
- limiter les contentieux.
Ces mesures, si elles sont bien communiquées, peuvent prévenir de nombreux litiges. Elles permettent aussi de vérifier si l’assurance de l’employeur couvre bien les accidents en télétravail.
Quelle responsabilité pour le salarié ?
La question de la responsabilité du salarié mérite d’être posée. Que se passe-t-il si un salarié change de lieu de télétravail sans prévenir ? Peut-il encore bénéficier de la présomption d’imputabilité ?
La jurisprudence pousse à un nouvel équilibre contractuel, où l’on pourrait intégrer :
- une obligation d’information,
- un engagement à respecter les consignes de sécurité.
Vers une nouvelle culture du télétravail
La jurisprudence actuelle pousse à revoir l’approche du télétravail. Elle engage les employeurs à considérer le domicile comme un environnement professionnel à part entière. Cela suppose une évolution de la culture managériale, mais aussi une modernisation des pratiques RH et juridiques.
À retenir
Un accident survenu chez soi à l’heure du déjeuner peut être reconnu comme accident du travail si le salarié est en télétravail.
Les employeurs doivent adapter leur stratégie juridique, organisationnelle et assurantielle à cette nouvelle réalité.
Pour aller plus loin :